Fiche projet

Le temps et l’espace

Dernière MàJ: 06/11/2024

Mes œuvres comportent beaucoup de techniques différentes. Par contre, ironiquement, je ne suis pas un grand technicien. Ce qui fait que j’avance dans les nouvelles technologies en agrippant ce qui pourrait m’aider à réaliser — ou du moins à atteindre tant bien que mal — le résultat le plus proche de ce qu’était le concept de base. Parfois, tout se passe bien, et d’autres fois, le parcours est parsemé de détours, de nouveaux chemins, d’heureux échecs qui mènent souvent à un résultat différent de l’idée initiale. Et à mon plus grand plaisir, c’est souvent « parfait » comme ça. 

Ma pratique tourne beaucoup autour du cinéma, mais surtout autour du cinéma fantastique. À l’instar des super productions hollywoodiennes ou encore de L’Asie-Pacifique, la technologie prend de plus en plus de place dans mes œuvres. À défaut d’avoir des moyens budgétaires et techniques corrects, j’ai dû, avec le temps, me tourner de plus en plus vers les nouvelles technologies pour rendre possible la concrétisation de mes idées. En réponse à cette pauvreté de moyen, les avancées technologiques m’ont rapidement apporté de nouvelles idées. La démocratisation des nouveaux outils permet de s’acharner sur une idée qui à la base semble trop ambitieuse pour la rendre… juste ambitieuse. Dans cette dynamique d’échanges et de développement, tout devient possible avec un peu de curiosité, d’ingéniosité, et par chance, avec très peu de moyens. 

Le cinéma est un art d’artifices et de mensonges. Souvent, les décors ne sont que des façades fragiles et les costumes tiennent le temps d’une prise. Ce qui est important, c’est ce qui se retrouve à l’image. C’est aussi un art qui s’est développé avec le temps, au gré des avancements technologiques. Selon plusieurs points de vue, il y a une marge colossale entre L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat, des frères Lumières en 1895, et Tom Cruise qui sacre un TGV en 3D dans un ravin en 2024. Dès 1896, avec des effets de collage sur pellicule et par « l’arrêt de caméra », des cinéastes comme l’illusionniste George Méliès arrivent à créer rapidement des effets spéciaux, soit un an après l’invention du cinéma.

Au début de ma carrière, j’étais beaucoup plus près de l’approche de Méliès, avec son « cinéma dans sa voie théâtrale spectaculaire » que de celle qui met en scène Tom Cruise. La façon que j’avais trouvée de raconter mes histoires fantastiques était simplement de dessiner sur des cartons mes personnages ou de les créer en pâte à modeler pour ensuite les bouger comme des marionnettes marottes. Dans son ton naïf, ça n’avait rien de très novateur considérant que ce n’est rien d’autre que de filmer un spectacle de pantins et que l’art de la marionnette existe depuis plus de 3000 ans. J’ai ensuite voulu donner plus de profondeur à la cinématographie de mes récits et, pour moi, la réponse se trouvait dans l’interprétation des personnages. Même si une marionnette peut très bien véhiculer une émotion, je voulais que le tout prenne de l’ampleur en y ajoutant une sorte de fluidité, de dynamisme dans leurs mouvements et dans leurs expressions. J’ai cherché un moyen rapide d’obtenir plus de liberté de manœuvre au centre de plus grands décors, mais toujours dans des budgets modestes et une démarche do it yourself, car j’aime toucher à tout. Je me suis donc instinctivement tourné vers l’animation 2D pour me permettre cette liberté créative, mais je le répète, je ne suis pas un technicien, donc je n’ai pas ce qu’un.e technicien.ne possède à prime à bord… de la patience. 

 

Embrasser le mouvement avec le mo-cap

En 2013, je commençais un projet de court-métrage d’animation, chose que je n’avais jamais faite. Je devais trouver un moyen de faire de l’animation sans devoir réaliser 14 millions de dessins. Je voulais avoir des résultats rapides, sinon, mieux valait en rester aux marottes empalées sur des bâtons de popsicle. Une technologie que je voyais prendre d’assaut les blockbusters semblait maintenant accessible pour le commun des mortels, soit la capture de mouvement (mo-cap). J’avais vu les gros studios utiliser des costumes spéciaux, les fameux one piece avec des balles de ping-pong, et tout ça semblait bien loin de moi. En plus, les résultats me laissaient assez froid. Sauf que la suite Adobe proposait alors Character animator, une version Beta d’une technologie similaire, accessible et abordable, conçue pour animer des personnages 2D. Je n’avais qu’à illustrer un personnage et à monter son armature. Ça se résumait à mettre quelques points de pivot et à définir les parties du corps du personnage. Ensuite, avec une simple webcam, il était possible de se filmer, et le personnage imitait nos mouvements, nos expressions, nos déplacements, etc. C’est semblable aux filtres qui nous transforment en chat quand on facetime, ou à ces fameuses applications, qui se sont ensuite multipliées, où avec une simple photo de nous, on peut se voir chanter Day O de Harry Belafonte de la façon la plus enthousiaste au monde. Cet outil me permettait de gagner beaucoup de temps de travail sur l’animation. J’obtenais des résultats rapides et cela me permettait de mettre plus de temps sur la mise en scène et même sur le développement de ce qu’il avait à animer. Comme je ne passais pas 95% du temps à re-re-re-re-dessiner un personnage en mouvement, je gardais la patience nécessaire pour améliorer les décors, la mise en scène et même peaufiner certaines animations de mains, de bouches ou de mouvement du corps. Cette démarche, motivée par la lâcheté, si j’ose dire, me permettait de devenir quasiment perfectionniste par rapport à mon travail, en fin de compte. Même que parfois, les failles de l’outil me servaient. Les déformations du corps que la capture de mouvement pouvait créer sur le calque limité du personnage m’inspiraient un esthétisme. J’avais donc trouvé un moyen simple pour réaliser de grandes idées en économisant temps et espace.

 

Un atelier alternatif grâce à la 3D

Avec le temps, j’ai voulu explorer de nouveaux horizons. Même si j’arrivais à simuler des univers 3D avec mes dessins 2D, j’avais envie d’aller encore un peu plus loin. Même si on peut arriver à avoir une profondeur intéressante en disposant des images 2D dans un environnement 3D, les images demeurent sans relief et il n’y a pas de variations perceptibles sous l’effet de la lumière comme le ferait une texture 3D. De plus, on ne peut pas tourner autour du sujet sans voir l’illusion ratée de profondeur dans l’espace. J’ai donc eu ce besoin de travailler dans un espace complètement tridimensionnel. Je voulais avoir la liberté de manœuvre, autant pour mes actions que pour ma mise en scène. Je suis donc retourné à la base de ma pratique et j’ai construit des décors et des personnages en carton et en pâte à modeler. Fidèle à ma démarche, je ne me serais pas avancé dans un tournage en stop motion (animation image par image) où j’aurais dû animer pendant des semaines mes figurines, à 24 images par seconde, avec des changements de lumière, des accidents d’accrochages de décor — car ils occupaient le 3\4 de mon appartement. L’idée était plutôt de scanner mes constructions grâce à une simple application de téléphone (Polycam) et d’assembler tout ça dans un environnement 3D. Pour ce qui est des figurines de plasticine, grâce à un logiciel de rigging (création d’armatures), je pouvais facilement créer une armature qui allait, encore une fois, bouger selon les captures de mouvements que je filmais avec ma webcam. De cette façon, mon personnage pouvait dorénavant pivoter sur lui-même ou encore tourner la tête sans perdre l’aspect de profondeur, comme dans la 2D. En plus, il répondait parfaitement à la lumière et à la volumétrie de l’environnement 3D.

Comme ma démarche est plus proche de celle du plasticien que de celle du technicien, je m’amuse souvent à y mélanger tout ça. Je place encore fréquemment des éléments 2D dans un environnement 3D, ou l’inverse. Souvent, je construis mon environnement 3D et je filme mes personnages (comédien.ne ou marionnette) sur un écran vert. Cette technique, qui me permet de placer mes sujets en 2D dans un environnement 3D, demande d’avoir une idée au préalable de l’environnement dans lequel les personnages seront déposés pour qu’ils s’harmonisent bien aux ambiances de la scène. Je dois dire que souvent je n’y pense même pas, et que je « jazz » avec le matériel une fois rendu au montage. Sinon, ça deviendrait trop technique et j’aurais moins de plaisir dans la création. Même si j’ai encore beaucoup de difficulté à maîtriser les aspects techniques de la 3D (notamment le système nodal et ses vertigineuses arborescences, les vertices, les UVs, la physique, les modifiers, etc.), le plaisir que j’ai à développer l’aspect « pratique » de la 3D m’inspire à pousser plus loin mes connaissances pour réaliser d’autres idées.  

Même si elles m’échappent à plusieurs niveaux, les nouvelles technologies me permettent d’économiser de l’espace et du temps, et elles améliorent la faisabilité de l’idée. Je peux ainsi m’investir sans compter dans la création et le développement de celle-ci.  

 

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